Jean Pellet " le cauchemar d’hippocrate " aux éditions Yves Michel
« Je ne suis pas un nostalgique de la médecine hippocratique, de la médecine d’« avant la science », d’avant la grande rupture historique de la pratique de la médecine inaugurée par Claude Bernard. Je ne suis pas nostalgique d’un temps où l’espérance de vie était au mieux de 35 ans et où les médecins étaient condamnés à gloser sur l’âme chevillée au corps. Il ne s’agit pas de cela. Mais si nostalgie il y avait, elle pourrait se comprendre, car la médecine scientifique s’est éloignée de l’homme, de l’homme-sujet, d’une façon inexorable, et le médecin qui, comme moi, s’est engagé dans la carrière médicale avec l’idéal des années 70 d’une parole enfin libérée, d’un nouvel humanisme où science et philosophie pourraient se parler et trouver leur esperanto, ne peut que constater avec tristesse qu’il n’en est rien, et que le divorce est consommé. Mais pourquoi, malgré la révolution technique, continue-t-on à faire prêter avec solennité au tout nouveau « docteur en médecine » le Serment d’ Hippocrate (cf. p. 46). Survivance d’une médecine paternaliste antédiluvienne ? Snobisme universitaire revendiquant une tradition qui n’a plus cours ? Acte manqué, finalement, signifiant le regret d’une époque plus humaine ? Comme le dit J.-P. Lebrun, malgré le fait que la médecine scientifique s’est en quelque sorte constituée « contre Hippocrate », « qu’est-ce qui nous donne à penser que comme médecin nous lui succédons, qu’il reste le père de la médecine ? ». Qu’est-ce qui explique que malgré un enthousiasme tout entier voué à la technicité souveraine, et l’admiration narcissique et la fascination devant les progrès galopants de celle-ci, malgré cette médecine en adoration d’elle-même, dans le beau miroir de la science, que malgré cela, donc, la mémoire profonde de cette médecine qui s’élaborait à partir d’une conception de l’homme est restée - et que l’on continue à y faire référence ?... »
L’auteur
Le docteur Jean Pellet a fait ses études de médecine à Grenoble. Il est spécialiste des maladies du coeur et des vaisseaux. Il a exercé à la Clinique Mutualiste de Grenoble de 1983 à 1990, puis s’est installé en ville... Jean Pellet a aussi étudié le violon au conservatoire national. La pratique de la musique est son passe temps favori.Il est aussi passionné de littérature. Jean Pellet participe à plusieurs groupes de travail entre médecins et psychanalystes.