Editorial du 31 janvier au 7 fevrier

vendredi 31 janvier 2014 par Radio-Grésivaudan

 

Bien loin de moi l’idée de nier la richesse et la beauté de nombreux documents audiovisuels ; l’intérêt du cinéma, du documentaire, d’internet pour partager tant de connaissances et de possibilités de s’exprimer et de créer.
Loin de moi la volonté d’être primairement anti-télé, mais...
De l’écran qui montrait l’arrivée d’une locomotive en gare de la Ciotat à celui qui se love partout et à toute heure au creux de la main, il y a à peine plus d’un siècle.
On appelle ça le progrès. Autant dire qu’à l’échelle de l’humanité, une miette nous sépare de l’invention de l’image en mouvement.
Les images qui au départ suffisaient à nous donner la chair de poule se sont transformées peu à peu en routine-multimédia et nous sommes devenus quelque part parti prenants de ces représentations avec les nouvelles technologies de poche.
Ere de « passivité interactive » ? Drôle de paradoxe...
Des souvenirs se trouvent modifiés dans l’inconscient, mêlés d’instants vrais et de moments pris sur le vif en numérique.
On construit l’Histoire – personnelle et collective – autrement.
De nouvelles traces s’impriment dans l’humain, faites de pixels, de mots binaires et d’applications qui gèrent notre quotidien.
Double tranchant, double penchant des armes technologiques à nous faire à la fois connaître et détruire.
C’est ici et maintenant, une espèce d’injonction à plonger dans nos écrans.
Moi, individu, je peux (je dois) partout et à chaque instant échanger avec le monde entier, abolir le temps et l’espace, puiser dans un bouillon d’informations qui donnerait le tourni si on essayait d’en assimiler ne serait-ce qu’une seconde de contenu.
Je suis partout et tout le temps en proie à des informations brèves et souvent de piètre qualité, du fait divers le plus scabreux à la publicité la plus agressive.
C’est ça le progrès.
Guidés par des algorithmes, normalisés, hypnotisés, farcis de connaissances et pourtant impuissants.
Je suis partout et tout le temps et pourtant je perds peu à peu toute volonté de me frotter à des situations réelles, tout élan pour toucher, sentir, voir, écouter mon environnement. Je sais pourtant que ce serait bien pour moi. Je suis vissé à ma chaise, sous ma main est vissé mon écran. Illusion de plein dans des contenants vides.
Abolir le temps et ses contraintes. « Bin oui, le temps c’est d’l’argent madame. »
Abolir le temps nécessaire à l’analyse, la maturité, le développement d’une réflexion, l’apprentissage.
Cette révolution numérique, on la laisse nous manger tout crus ou on relativise ?

E.G


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