Parfois, les idées et les mots arrivent pour un prochain éditorial, des événements, des situations vous interpellent et puis au dernier moment un mail percute vos idées et chamboule tout. Je pensais vous parler de l’organisation des JO d’hiver au Canada, de la lutte importante des populations autochtones là-bas contre ce gâchis financier et écologique. Et puis je viens d’apprendre que la construction du nouveau centre de rétention de Mesnil-Amelot est achevée, et qu’avec 240 places de rétention, ce centre sera le plus grand de France. Pourquoi réagir à cette construction ? À l’origine, les centres de rétention ont pour objectif de " garder " des personnes en voie d’expulsion pendant le temps strictement nécessaire à l’organisation de leur départ. La rétention était une exception, aujourd’hui, cette pratique est devenue systématique, elle accompagne un politique de quotas et mène à toutes les dérives. Celui de Mesnil-Amelot en est l’illustration parfaite.
Voici ce qu’en dit la Cimade * : « L’entrée en fonction de ce véritable camp marque une nouvelle étape de ce que les associations de défense des droits des migrants ont qualifié depuis 2004 d’industrialisation de la rétention. D’exceptionnel, l’enfermement des personnes en situation irrégulière devient peu à peu un outil banal de la politique migratoire. Le futur centre de rétention comptera 240 places, dont 40 places réservées aux familles. Il est organisé en 6 "unités de vie" de 40 places, disposées autour de deux bâtiments administratifs jumeaux eux-mêmes reliés par une passerelle de commandement. Une double enceinte grillagée et barbelée entoure l’ensemble du camp. Des dizaines de caméras et des détecteurs de mouvements complètent ce dispositif carcéral. »
Cette situation n’est qu’un leurre de légalité, en effet « l’Administration utilise la fiction de deux centres de rétention mitoyens pour contourner la réglementation : celle-ci limite à 140 places la capacité d’un centre de rétention. La construction envisagée de deux salles d’audiences à proximité immédiates du camp instituera une justice d’exception éloignée de tout regard de la société civile... Le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté écrivait dans son rapport 2008, page 20, qu’ " on ne peut qu’être préoccupé de certaines extensions, que ne doit pas dissimuler la fiction de ‘plusieurs centres’ placés dans un même lieu"… »
La transformation des lieux de rétentions en lieu carcéral a généré la création de véritables camps. Le centre de rétention du Mesnil 1 et 2 placé à proximité des pistes de l’aéroport de Roissy- Charles de Gaulle illustre parfaitement ce phénomène. L’évolution s’est faite petit à petit, chaque étape fut passée en douceur, permettant d’aller de plus en plus loin dans le domaine de l’inacceptable. « L’enfermement et l’éloignement de personnes en situation irrégulière ont été autorisés et légalisés par la loi de 1980 (Bonnet et Peyrefitte). La loi du 29 octobre 1981 a légalisé et organisé la rétention administrative. En 1984, le gouvernement a donc décidé de la création de centres de rétention dans les principales villes du pays. Alors que la durée maximale de rétention était de 7 puis 10 puis de 12 jours, elle est passée à 32 jours avec la loi dite "Sarkozy" du 26 novembre 2003. Cette loi a été un véritable tournant dans l’histoire de la rétention avec l’allongement considérable de la durée de la rétention. Le ministère de l’Intérieur a fixé pour la première fois des objectifs chiffrés de reconduites à la frontière. S’en sont suivi l’augmentation de la capacité et la création de nombreux nouveaux centres de rétention sur tout le territoire.En 2006, le gouvernement a annoncé un calendrier d’extension et de construction des centres jamais réalisé auparavant. De 786 places en 2003, on passe à 2007 places en 2008. »
Si l’enfermement systématique, la rétention administrative sous forme carcérale montre que ce que sous tant cette politique n’est pas seulement d’expulser, mais aussi de punir. L’État Français mène au grand jour, une politique sécuritaire qui « s’inscrit dans le contexte " d’une Europe forteresse " dans laquelle les camps se multiplient pour rejeter les migrants aux frontières de l’Europe, toujours plus loin. » Sur la question, le livre de Pierre Bordage, Wang, illustre parfaitement ce que peut générer une telle philosophie. Cette histoire futuriste de pierre Bordage, trouve avec l’ouverture du centre du Mesnil 2 une concrétisation. Nous avons aujourd’hui les prémisses de l’ouverture de « véritables camps d’internement qui font fi des droits les plus élémentaires et de la dignité humaine et dans lesquels la société civile aura de moins en moins de regard et de possibilités d’agir. Un tel camp ne pourra fonctionner qu’au mépris du respect des droits et de la dignité des personnes qui vont y être enfermées. S’opposer à son ouverture c’est défendre leurs droits fondamentaux. »
Il est indispensable de se rappeler ce que disait Martin Niemöller, à l’origine de l’Église confessante en Allemagne, en 1935 : « Lorsqu’ils ont arrêté les communistes, je n’ai pas élevé la voix ; lorsqu’ils ont interné les juifs, j’ai gardé le silence ; lorsqu’ils s’en sont pris aux sociaux-démocrates, je me suis tu … Lorsqu’ils sont venus me prendre, il n’y avait plus personne pour me défendre. »
Aussi, je vous invite à rejoindre les 222 associations, les 14759 citoyens, les 333 élus à ce jour, signataires de la pétition qui s’opposent à l’ouverture du futur centre de rétention du Mesnil Amelot. Elles dénoncent la criminalisation des migrants et appellent les citoyens et les élus à se mobiliser contre l’internement administratif des étrangers.
Eric.Labaj
Pétition contre l’ouverture du centre de rétention du Mesnil-Amelot 2 : vous informer ici
De l’exception à la règle, des centres de rétention aux camps
Le coût de la politique d’enfermement et d’expulsion
* Le 18 octobre 1939, à Bièvres, les dirigeants du CIM (Comité Inter-Mouvements de jeunesse), créent la CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués). En novembre 1942, les forces allemandes franchissent la ligne de démarcation. Le Comité de la Cimade ne peut plus se réunir. La Cimade passe alors d’une présence de solidarité à la résistance. LA Cimade a poursuivi sont action après la guerre et « La Cimade a pour but de manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur position politique ou religieuse. »