Dans un pays où le ministére de l’Education nationale est cornaqué par un spécialiste du marketing qui a exercé son art dans l’univers exaltant des cosmétiques et des produits destinés aux capilliculteurs , il n’est pas étonnant que l’on soit interpellé de temps à autre par des décisions qui s’inscrivent naturellement dans le champ d’un libéralisme du meilleur ton*, et sur le mode ultra.
Ainsi de cette décision du nouveau ministre de la culture : la nouvelle politique culturelle engagée "se fixe deux objectifs principaux qui sont les éléments d’une statégie de démocratisation culturellere définissant dans sa globalité l’inclination du Ministère de la culture et de la communication dans ce champ"
C’est comme ça qu’on cause global dans le champ, et ceux qui ironisent ne peuvent être que de mauvais français en mal d’identité et qui sont étrangers aux subtilités de l’inclination. Mais le meilleur est à suivre. Cible de cette nouvelle politique culturelle : "les groupes sociaux exilés", en gros les pauvres, les précaires, les jeunes, "les cloisonnés géographiques" ( en novlangue, les gens des cités, voire quelques ploucs) , qui sont éloignés de la culture par le "désintéressement individuel qui mène trop souvent à l’intimidation sociale". Fichtre !
Et pour finir en beauté : "D’une certaine maniére, le véritable obstacle à une politique de démocratisation culturelle, c’est la culture elle-même". Cette nouvelle politique culturelle à un nom : la "Culture Pour Chacun", la CPC pour faire branché, par opposition à la culture pour tous, selon son inventeur, le conseiller Francis Lacloche,
Ainsi donc la culture officielle serait intimidatrice pour le peuple - pardon, pour le populo - qui s’en eloignerait dérechef. A chacun donc sa culture , la bourrée pour les auvergnats, le branle pour les nivernais, la gavotte pour les bretons, le rap pour les banlieues et Verdi pour l’élite. Le sifflard, l’accordéon et le gros rouge pour le populo, Mme de la Fayette , Molière et Pinter pour les beaux quartiers.
Mais qui parle ainsi en notre nom, au nom du peuple ? Les mêmes qui installèrent, l’année dernière un machin nommé Conseil pour la Création Artistique dont il faut rappeler l’objectif : "Vaincre la pensée unique, le sectarisme, les sectes qui voudraient vous inscrire tous dans des petits milieux alors que la culture doit rayonner pour tous".
Ainsi parlait notre guide et c’est pour cela que dorénavant la culture ne sera que pour chacun. Condescendance, voire mépris, sont les deux ressorts qui sous-tendent, à l’ombre du langage technocratique, ce qui nous est présenté comme novateur pour "substituer à l’intimidation sociale, la construction d’un lien social". Surtout ne pas mélanger les genres et les gens, chacun à sa place. Foin des "petits milieux" où se croisent artistes et intellectuels, travailleurs sociaux et animateurs culturels, sectateurs redoutables de l’anti-France, qui n’ont rien compris aux vertus du libéralisme triomphant.
Et même si l’on peut déplorer que le projet de démocratisation culturelle, né après la guerre, n’ait été qu’incomplètement réalisé, il reste qu’un nouveau projet ne peut naître que d’un large débat associant citoyens et acteurs culturels, Etat et régions, et non de directives venues d’en haut, dans l’opacité technocratique d’une idéologie dont on mesure aujourd’hui les dégâts au plan du lien social qu’elle prétend promouvoir.
Comme Vilar était grand !
MA
* Il est vrai que le titulaire du poste a taté parallèlement de l’exercice des RH dont il fut directeur, ce qui convenons-en, constitue une expérience précieuse quand il s’agit de réduire les effectifs de celles et ceux à qui est confié le soin d’instruire nos enfants et de les éveiller à la culture.