Je vis dans un pays surprenant. On s’y étonne encore de mensonges « droit dans les yeux ». Et il est naturel alors d’y aller de sa surenchère médiatique, de sa loi qui va tout régler, même si par ailleurs celle-ci existe déjà mais n’est pas appliquée.
Le simple quidam que je suis, n’ira pas jusqu’à copier le grand Boris Vian, mais se contentera d’écrire une lettre.
Monsieur le Président.
Bientôt un an. Pour le coup, j’aurais presque envie de vous tutoyer, tel le coach sur le bord du terrain, vous taper sur l’épaule comme pour dire « Allez mon p’tit gars, secoue-toi, ça ne tourne pas rond ».
Voyez-vous, je dois être un peu couillon, et bêtement posséder une ouïe affûtée par les envolées lyriques des hommes d’un temps passé, engagés à la construction du bien collectif. J’avais cru percevoir, dans vos derniers discours de campagne, dans l’inflexion de la voix parfois, quelque élan, quelque farouche volonté d’en découdre contre les hardis défenseurs de la réussite individuelle.
Certes vous ne fûtes pas mon candidat idéal, comme on parlerait d’un gendre, et non pas que je nourrisse quelque illusion, votre illustre prédécesseur au prénom identique ayant brisé la matrice de l’imaginaire socialiste de gauche. Celles que je mis dans l’urne en mai 1981 (moi qui fut colleur d’affiche du François bissé en 1974) ne furent rapidement que cendres.
Pour moi, la défaite de cette droite décomplexée en 2012, c’était comme le fin espoir auquel on se raccroche, un peu comme croire que les verts de Sainté de 1974, avec leur énergie et quelques talents superbes battent la machinerie du Bayern (Ah les poteaux carrés contre les dribbles endiablés de Rocheteau).
La saveur amère de la désillusion qui s’en suit…et le moche réalisme qui casse toute utopie.
Je me suis murmuré dans un coin de moi-même : Un vrai président de gauche, ce serait un homme qui ferait la queue à la caisse du Lidl du coin, qui achèterait ses baskets chez Décat parce que c’est pas cher. Il habiterait un petit pavillon d’une banlieue un peu agitée, ferait son budget et marquerait ses dépenses pour ne pas avoir de lettre désagréable de sa banque en fin de mois.
Je me suis dit : il va marcher droit sur Angela, droit dans ses baskets, faire fi de son regard autoritaire, s’assoir sur le bord du bureau de la dame et lui dire : Finita la comédia, Angela, maintenant, c’est les règles sociales qui priment, santé, éducation, alimentation saine pour tous…
Je me suis dit : il va nommer aux finances, à l’économie et au budget, des gars ou des filles qu’auront trimé aux cours du soir pour se mettre à niveau, qui savent ce qu’est le labeur, la pression des chefs, les fin de mois à la ramasse, des gens pas sûrs de leur fait qui n’auraient pas fricoté avec les milieux financiers.
Bref, avec ses « Moi Président ! », rattraper des siècles d’Histoire qui n’en finissent de rendre plus riches les puissants et plus pauvres les laborieux.
Aujourd’hui, moi, citoyen de la République, ne supporte plus, ce langage perverti,
paroles transgéniques,
génitrices
de postulats dégénérés
servi au peuple, le savant habillage d’une réalité troublée. Depuis trop longtemps, les mensonges d’état nous mènent par le bout du nez. Celui des euros suisses n’en est que le piètre avatar.
Moi citoyen de la République, refuse d’être identifié comme responsable de la crise. C’est trop facile de taper sur les petits. Vous connaissez bien ceux qui tirent les ficelles, mais ils foutent les jetons, c’est ça ?
Moi, citoyen de la république, coupe le son de l’Histoire immédiate, sait bien que toute avancée, toute reconnaissance sociale, n’est jamais venue volontairement des gouvernants, sans qu’il y ait au préalable une lutte. Ils ont beau jeu, ceux qui s’enrichissent, de pourfendre les mots grèves et manifestations. Cela s’appelle la lutte des classes et ce ne sont pas les prolétaires qui l’ont réveillée. Les dociles servants du profit ont habillé Chavez du costume de dictateur dès lors qu’il ne servait plus leurs intérêts. Est-ce donc de cela que vous avez peur, Monsieur le Président ?
Moi citoyen de la République, souhaite rappeler à tout ceux, qui lassés, oubliés et déçus, se tournent vers l’aspiration populiste, que ceci fut genèse de tragédies immenses, et que la remise en cause du dogme libéral qui s’en est suivie, par le Conseil National de la Résistance, fut nécessaire pour la reconstruction du pays, après sa destruction par la vague de haine.
Moi citoyen de la République, attend l’élan des grands hommes courageux, qui impulserait la mutation énergétique et écologique source d’emploi, celle que vous nous aviez clairement annoncé.
J’en ai fini, Monsieur le Président, j’aimerais être enchanté et point ne le suis.
Pour conclure, je dirais,
« ne promettez plus jamais ce que vous ne pourrez tenir, ces paroles là aussi mentent ! »
Allez, quatre ans !
JM.F