editorial du 15 au 22 octobre

vendredi 15 octobre 2010 par Radio-Grésivaudan

Il doit être impossible pour chacun d’entre nous de ne pas être au courant du sauvetage des 33 mineurs bloqués depuis plus de deux mois au fond d’une mine du Chili. Le puits de secours par lequel ils ont été hissés, la présence du président chilien, l’émotion des familles, la technicité matérielle et humaine de la nasa, tous cela a circuler sur l’ensemble des médias écrit, radio ou télé. 33 hommes qui ont retrouvé la lumière, 33 familles heureusement réunies, tout un peuple unie autour de son président pour ce sauvetage incroyable.

Cependant juste à côté, dans le même pays depuis le 12 juillet 2010, 32 prisonniers politiques Mapuche ont entamé une grève de la faim au Chili. Tous sont détenus, « préventivement » dans le cadre de l’application de la loi anti-terroriste créée sous l’ère du général Pinochet. Ils veulent ainsi protester contre la campagne médiatique menée contre eux par les autorités afin de les condamner de façon anticipée aux yeux de l’opinion publique. Ils accusent les autorités de mener des procès politico-judiciaires qui contreviennent aux droits, aux droits de l’homme et des minorités ethniques en particulier, et de criminaliser la juste lutte des communautés.
Pour le gouvernement, les tribunaux et la presse, cette grève est malheureusement un « non-événement ». C’est la loi du silence, et la situation des mineurs pris au piège dans une mine de cuivre au nord du pays ne fait que renforcer l’indifférence généralisée de la population et des médias à l’égard de cette grève de la faim, acte extrême et déterminé.
Si les actions de grève de la faim des prisonniers politiques à Cuba, il y a quelque temps, ont unanimement généré réprobation auprès de la communauté internationale et, en particulier, de la Communauté Européenne, il semble judicieux de se demander pourquoi le Chili n’est pas aujourd’hui condamné pour sa scandaleuse gestion du « conflit Mapuche ».
Plusieurs des 34 prisonniers Mapuche en grève de la faim au Chili ont cessé de manifester après avoir trouvé un accord avec le gouvernement. 14 grévistes poursuivent cependant leur mouvement en attente de réelles garanties et preuves concrètes de la suppression par l’État chilien de l’application de la loi antiterroriste à leur encontre, de la suppression du double jugement civil et militaire, du droit à un procès juste et équitable sans recours à des témoins cachés, et de la démilitarisation des communautés en conflit territorial, bien que les autorités pensent que les discussions avec les prisonniers seront résolues de manière satisfaisante à la fin de la semaine.
Cette grève de 82 jours visait à dénoncer l’usage de la loi anti-terroriste par le gouvernement chilien dans le but de criminaliser les tentatives de récupération territoriale des Mapuche. Les charges pesant contre les prisonniers sous la loi anti-terroriste ont maintenant été retirées ; ils seront poursuivis en justice conformément au droit pénal général. L’évêque Ricardo Ezzati qui a facilité le dialogue entre les deux parties a déclaré : ‘Le gouvernement a entamé les réformes judiciaires qui visent à modifier la ’loi anti-terroriste’ et l’acte (qui autorise) des poursuites de civils devant les tribunaux militaires’. Plus d’une centaine de militants mapuche sont actuellement détenus dans des prisons chiliennes attendant d’être jugés pour crimes contre la propriété. Beaucoup de ces arrestations sont dues à la décision du gouvernement de vendre leur terre au profit des compagnies forestières et des fermiers, sans leur consentement. Bien que les Mapuche n’ont été conquis qu’au XIXe siècle après des siècles de résistance, la plus grande partie de leur territoire a été spoliée par des compagnies forestières et de grands propriétaires terriens.
Pourquoi donc parler abondamment des 33 mineurs et pas des 32 Mapuches ? Peut-être parce que la lutte du peuple Mapuche dépasse les revendications d’un peuple, c’est une lutte pour une vie en harmonie avec la nature, contre un système de production destructeur, pour la défense de la vie.

E.L

Le Chili a ratifié la Convention 169 relative aux peuples indigènes de l’Organisation Internationale du Travail en 2008, mais n’a pris que très peu de mesures pour l’appliquer.

La loi anti-terroriste permet, entre autres, aux tribunaux militaires de juger des civils, et d’auditionner des témoins "protégés" dont les dires sont entendus et enregistrés de manière anonyme. Largement appliquée au cours des 17 années de dictature de Pinochet contre les militants de gauche, les leaders Mapuche sont aujourd’hui les seuls à se voir appliquer cette justice à deux vitesses, illustration du caractère xénophobe de la gestion politique du conflit par les différents gouvernements successifs.


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