Ainsi donc le débat serait-il clos ? Nous ne saurons donc pas ce qu’il en est de notre foutue identité, si tant est que le terme a un sens quand il est connoté national.Voilà ce qui s’appelle finir en eau de boudin, ce qui sonne d’ailleurs plutôt bien, cette cochonaille s’inscrivant dans la plus authentique tradition française que certains préféreraient franchouillarde. Que de bruit, que de dégâts collatéraux pour une piètre entreprise de pêche aux voix conduite par un transfuge dont l’outrecuidance satisfaite le dispute à la plus plate flagornerie courtisane.
Heureusement, d’authentiques républicains veillent à prévenir les désordres induits et l’augmentation spectaculaire du nombre des gardes à vue - dont la prime jeunesse peut heureusement maintenant profiter - témoigne de la pugnacité sécuritaire dont ils se glorifient. Et ceux qui s’en indignent doivent sans état d’âme être classés dans la catégorie des mauvais Français, les mêmes d’ailleurs que ceux qui n’ont rien compris aux arcanes de l’identité française, les mêmes qui encombrent les bureaux de feue l’ANPE, qui manifestent pour un oui ou pour un non, qui se réfugient dans la case "accident du travail" et qui creusent le déficit de la Sécu. Salauds de pauvres !
Pourtant les exemples ne manquent pas de modèles de réussite exemplaire et qui, par leur travail, contribuent à l’enrichissement de notre beau pays en même temps qu’à celui de quelques paradis exotiques . Il faut saluer leur savoir-faire, quand les grands groupes multinationaux qu’ils cornaquent ne paient en impôt sur les sociétés qu’un 8% , quand une petite PME s’en acquitte au niveau de 30%. Et il faut se réjouir que ce soient les mêmes qui nous disent ce que c’est d’être un bon français identifié comme tel, les mêmes qui condamnent la violence de notre société encouragée par de mauvais bergers irresponsables qui n’ont rien compris aux vertus du libéralisme libérateur des énergies.
Il y a 40 ans disparaissait un homme dont on se souvient comme biographe de Camus et comme éditorialiste au Canard enchaîné : Morvan Lebesque. L’article qu’il écrivit, à l’occasion de grèves et de manifestations ouvrières dans la région nantaise, résonne encore aujourd’hui comme s’il s’agissait de notre actualité :
"Qu’appelez-vous violence, sinon que dans un pays comme le nôtre, en 1955, un homme gagne 1500 francs par quinzaine quand il en faut le double pour vivre un peu décemment, pour avoir un peu conscience de sa propre vie. Qu’appelez-vous donc violence, sinon que la grande presse qui ne nous cache rien des caprices des milliardaires ou des amours des princessses, oublie cet homme au point de ne jamais parler de lui, sauf pour le dénoncer lorsqu’il proteste ? Qu’appelez-vous violence, sinon que la protestation de cet homme est automatiquement étouffée, taxée d’exagération et d’incivisme, promise à la résignation, après un baroud d’honneur dans la rue ? Et, enfin, qu’appelez-vous donc violence sinon les maux dont on fustige cet homme et ce terme, entre autres, qui revient de plus en plus dans les déclarations, les éditotiaux de presse, les consignes de police : l’ennemi de l’intérieur."
C’était en 1955.
Et si nous étions, aujourd’hui, en 1788 ?
M.A