Tout vient à point, il suffit d’attendre à défaut d’espérer. J’avoue que j’ai douté et que parfois le bourdon me prenait. Surtout le matin au réveil quand , la bouche sèche, je guettais le moindre signe qui me rassurât, la moindre rumeur qui me permît de retrouver quelque goût au présent. D’autres que moi auraient peut-être renoncé à, chaque jour, interroger le ciel-ou à défaut les gazettes- pour conforter ce qui restait en moi de disponibilité, d’appétit, d’énergie et je me garderai bien de les moquer voire de les stigmatiser. Car nous ne sommes pas égaux devant l’adversité .Chacun a son histoire, ses cicatrices . Ses penchants aussi . Si nous sommes tous un peu sourds aux bruits du monde, certains sont plus sourds que d’autres, même si je sais bien, au fond de moi, que d’aucuns ricanent de ce qu’ils appellent ma naïveté devant la confiance indestructible qui m’habite.
Il est vrai que le risque d’usure ne doit pas être sous-estimé. Il est bien réel et ce serait légèreté impardonnable que d’en évacuer la possibilité même. Nous avons tous connus de ces attentes interminables où les meilleurs d’entre nous succombent au désespoir et à une certaine langueur maladive semblable à celle qui accable les amants éconduits, sans même qu’il soit besoin de convoquer je ne sais quelle résonance sexuelle, comme on a coutume de le faire dans certains milieux décadents se revendiquant comme élite.
Mais on pourrait m’accuser de mauvaise foi si je persistais dans le refus d’admettre que cette indétermination dans laquelle je me trouve réveille en moi comme un plaisir pervers et, Madame Boutin me pardonne , il est bien connu « ..que le désir s’accroît quand l’effet se recule », pour parler comme ce bon Corneille. Car je ne pouvais me résoudre à renoncer à ce qui , je n’en ai jamais vraiment douté, serait pour moi comme une épiphanie, source d’une sorte d’orgasme ontologique dont je suis coutumier quand cela en vaut vraiment la peine.
Et puis un matin – à moins que cela fut plutôt le soir, pardonnez à mon trouble-j’eus enfin ma récompense. Ma confiance n’avait pas été vaine ! Le miracle était advenu ! Enfin la délivrance après cinq ans d’attente, cinq années de doute honteux, de JT décevants.
Enfin il a parlé : « Je serai le Président du peuple ». Hosanna ! Me voilà, nous voilà enfin reconnus pour ce que nous sommes, honorés par le Faubourg .
« Allez, tous chez Gégène avec nos meufs , et un canon siouplaît ! »
M.A