Oubliez "Gorillaz", oubliez "Demon Days", ces séries B à petit budget : avec "Plastic Beach", tout est vu en plus grand. Format XXXXXXL. Le casting est renversant : de Lou Reed à Snoop Dogg en passant par Gruff Rhys, Mos Def, les deux ex-Clash Mick Jones et Paul Simonon - et on en passe encore quelques-uns. La campagne publicitaire est évidemment à l’avenant, impossible d’échapper aux graphismes de Jamie Hewlett placardés sur tout ce qui peut faire office de cloison. Pour le retour aux affaires de son grand singe, Damon Albarn sort ses petits bras musclés et semble bien décidé à montrer qui est le plus fort. Comme toujours avec lui, on a instinctivement envie de sortir les griffes... et il faut bien avouer qu’une fois de plus, on en reste pour nos frais. Collectif anglais .
Ce n’est pas cette fois-ci qu’on dégustera du primate haché : même avec la meilleure volonté du monde, il faudrait être de bien mauvais foi pour dézinguer un tel disque. Mieux encore, le groupe virtuel signe là son meilleur album. Certes, on n’y croise pas forcément de machine de guerre à l’immédiateté éclatante comme Clint Eastwood ou Feel Good Inc. Mais, outre des gimmicks bien vus et des featurings à se pincer, la grande force de "Plastic Beach" réside dans son homogénéité.
Unité de ton d’abord : là où les précédents albums organisaient un zapping frénétique de styles, à y perdre l’auditeur noyé sous les références, Albarn choisit de mieux canaliser son super-non-groupe. Le parti-pris est pourtant ambitieux, très orienté vers une électronique assez froide, malaisante, parfaitement symbolisée par l’infectieux single Stylo. Mais la formule est très travaillée et dangereusement addictive : approche minimaliste, son énorme, accroches mélodiques savamment distillées (Empire Ants, Plastic Beach ou encore Superfast Jellyfish), Damon et ses potes laborantins ont élaboré une formule redoutable.
Ensuite, il faut bien l’avouer : avec Gorillaz, on avait pris l’habitude de se sentir un rien floué, avec des albums mal fagotés, de nombreux morceaux hautement dispensables faisant office de remplissage. Que l’on se rassure, il y a bien des tubes, il sont juste (un peu) dissimulés, presque rebutants à la première écoute : si On Melancholy Hill est une merveille cyber-pop immédiate, il faut trois écoutes pour s’habituer à Stylo (probablement une centaine pour s’en défaire, on n’a pas encore atteint le quota), et il faut attendre plusieurs minutes pour que Empire Ants prenne son essor extatique. Mais "Plastic Beach" s’avère bien plus cohérent, avec moins de sommets évidents et surtout moins de plages d’ennui...
Bref, pour la première fois le concept fumeux et un peu casse-bonbons imaginé par Hewlett et Albarn apparaît secondaire et s’efface largement devant la qualité d’un véritable album, intelligent, exigeant, diablement bien conçu. Pour la première fois, on a envie de croire que derrière Gorillaz se profile une vraie idée de (bonne) musique, une notion de variété haut de gamme, à laquelle on a envie d’adhérer.