Editorial du 30 octobre au 6 novembre

vendredi 30 octobre 2009 par Radio-Grésivaudan

Alors qu’il y a quelques semaines le Grésivaudan avancé sur la mise en place d’un lien entre les agriculteurs locaux et la restauration collective, la crise agricole sévissait toujours et le président de la République préparait son discours sur l’agriculture. Il l’a prononcé mardi 27 octobre à Poligny dans le Jura. Un discours parmi d’autres me direz-vous dans la longue litanie des discours politiques et de défense de l’agriculture. Pas vraiment pour 3 raisons : la première relever par le petit journal de canal est celle du copier-coller ; la seconde est la confirmation du choix politique du productivisme et de l’identité nationale ; et la troisième enfin l’absence totale de la question de la qualité alimentaire et notamment de l’agrobiologie.

Pour la première question merci au petit journal de Canal plus. J’hésite à être en colère ou complément hilare devant cet homme politique, chef de l’état qui nous dit : « je ne suis pas venu vous tenir un discours que vous avez déjà entendu » et de voir ensuite son discours presque mot pour mot identique à celui de février 2009. Fatigue, surmenage, cumul de responsabilités et volonté de tout contrôler, manque de temps pour relire ses discours, trop de confiance dans son charisme et son élocution...? Cette illustration nationale que nous retrouvons également sur le plan local ne pose pas simplement la question d’un homme ou d’un courant politique, elle pose la question du fonctionnement même de la démocratie représentative et de son organisation pyramidale.

La deuxième question est celle de la compréhension de la crise récurrente de l’agriculture et des problèmes de famine dans le monde. En effet ce discours confirme le maintien en l’état de l’agriculture productiviste. Il ne s’agit d’ailleurs pas vraiment d’une confirmation, mais plus d’un matraquage idéologique. Voici quelques extraits du discours : « La seule réponse à cette crise alimentaire mondiale consistera d’augmenter de 70% la production d’ici à 2050 » ;
« Nous avons besoin dans le monde d’une agriculture de production. » 
« La quatrième consistera à privilégier une agriculture de production » 
« Ma conception de l’agriculture, c’est que les agriculteurs sont des producteurs, des entrepreneurs, des travailleurs »

C’est la conception de l’agriculteur « exploitant agricole » bien loin de la conception de l’agriculteur paysan, en lien avec la terre. Si dans le quotidien l’agriculteur pour N.Sarosy est un entrepreneur qui doit toujours produire plus, il l’utile aussi pour appuyer son discours d’identité nationale : « La France a un lien charnel avec son agriculture, j’ose le mot : avec sa terre. Le mot "terre" a une signification française et j’ai été élu pour défendre l’identité nationale française. » Passage passé inaperçu en février, mais mis en valeur par le débat relancé par Éric Besson. Un lien à la terre particulier qui rappelle la droite d’il y a 50 ans comme le souligne Philippe Colin, porte-parole de la fnsea : « fait beaucoup penser au Maréchal Pétain qui disait : la terre ne ment pas. C’est assez curieux »

La troisième question que pose ce discours est l’absence totale d’évocation de la qualité alimentaire et de la question biologique. Pourtant, parmi les conclusions du "Grenelle de l’environnement " a inscrit le développement de l’agriculture biologique avec par exemple un objectif de 20% de produits biologiques dans les commandes de la restauration collective publique d’État d’ici 2012. Et la France est très en retard au sujet de l’agriculture biologique. L’Italie est championne d’Europe (elle totalise le cinquième des surfaces), suivie de l’Espagne, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. La France est cinquième pays pour l’importance des terres, mais le 21e si l’on compte la part de la production biologique dans le total de l’agriculture (2%). Ridicule si l’on nous compare par exemple à l’Autriche dont 13% des surfaces cultivées le sont en bio, l’Italie, la Lettonie et l’Estonie (9% pour les trois) ou encore la Grèce (8%). Et si l’on considère que la moyenne européenne est de 4 à 5% des terres cultivées en bio, on voit que la France, avec ses 2% est très loin du compte.( voir l’article de rue 89). Mais en dehors de la volonté productiviste sur quoi insiste le président de la République : 
«  L’agriculture devra fournir demain à l’industrie chimique de nouveaux solvants, de nouveau lubrifiants et composites »
« l’agriculture est bien un secteur d’avenir, en particulier, dans le domaine, dans lequel je crois beaucoup, de la chimie verte et de la chimie blanche.
 »
Donc pas un mot sur cette agriculture « qui ne connait pas la crise » (pas de surproduction, des marchés intérieurs en pleine croissance, mais non couverts faute d’une offre locale suffisante parce que l’état n’encourage pas à son développement, générant le risque aberrant de favoriser par cette négligence l’importation de produits bio étrangers) mais une volonté de continuer la reproduction de nos modèles dépassés (« une agriculture de production ») comme solution pour nourrir le monde, quand de nouvelles études confirment la forte adéquation entre développement de la bio et sécurité alimentaire. Des actions conjoncturelles et rien de structurel. Par contre une aide financière d’un milliard et demi d’euros qui ira largement alimenter les banques, la Mutuelle Sociale Agricole, les fournisseurs agricoles, l’industrie agroalimentaire. 

Et pour paraphraser le président : « Et depuis trente ans chaque crise fait l’objet de mesures conjoncturelles de soutien, qui ont comme point commun de ne jamais empêcher les crises du lendemain ». Et demain se posera à nouveau la question de l’existence d’agriculteurs, sur quelles terres et pour quelles productions.

E.L


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