« Mais qui aujourd’hui mange encore des boîtes ?!! ». J’ai entendu cette phrase l’autre jour. Elle sortait de la bouche d’une personne que je connais bien, que je respecte et apprécie. Seulement là, ça m’a tracassé pendant plusieurs jours...
Sa particularité à cette personne, c’est qu’elle fait très attention à ce qu’elle ingère. Je qualifierais sa façon de consommer de saine et responsable. Saine, parce qu’elle se nourrit quasi exclusivement de fruits et légumes locaux, de produits bio et naturels, de graines, de céréales, qu’elle raisonne sa consommation de viande et évite les laitages (sauf le fromage parce que c’est trop bon) et tout ce qui est à base de blé car elle les digère mal. Responsable, parce que c’est très bon pour son corps mais surtout, de mon point de vue, pour notre grand environnement en souffrance.
Se soucier de son alimentation en mangeant sain et responsable (ce qui n’est pas tout-à-fait mon cas), c’est donc de mon point de vue une très bonne chose. Seulement, ça n’est pas si simple. Si on veut être totalement cohérent, ça demande beaucoup d’organisation, éventuellement de l’espace (et du temps) pour jardiner et aussi pas mal d’argent. En plus de tout ça, ça demande d’avoir la chance d’évoluer dans un contexte suffisamment favorable pour accéder à une prise de recul sur ce qu’on mange.
Après avoir discuté autour de moi de cette histoire de boîtes, j’en suis arrivée à la conclusion suivante : manger des boîtes est extrêmement répandu, voire prédominant. D’une parce que c’est pas cher, et de deux parce que ça prend beaucoup moins de temps que cuisiner.
Ce qui me chagrine dans cette histoire de « Mais qui aujourd’hui mange encore des boîtes ?! », c’est que je me dis qu’en disant ça, cette personne semble s’être perdue dans ses soucis d’alimentation au point d’en oublier de regarder ce qu’il se passait autour d’elle. Ouverte, solidaire, tolérante sont des mots qui pourraient qualifier pas mal des actions qu’elle mène dans la vie. Mais là, je me rends compte qu’à trop rester dans le même milieu, elle en oublie l’essentiel et je tombe de haut. En France, beaucoup de personnes n’ont pas la chance de se soucier de « vivre bien ou vivre mieux », mais plutôt de « survivre ». Ce que ces personnes ont dans leur assiette, elles s’en fichent, du moment qu’elles ont quelque chose à se mettre sous la dent, après avoir trimé au boulot toute la semaine, nourri les enfants, leur avoir offert un toit, du chauffage, etc.
Il existe en chacun de nous des incohérences entre nos idéaux, nos façons de voir les choses et la manière dont nous menons notre vie. Entre notre culture, notre éducation, nos utopies, nos envies réelles, les difficultés et les réalités que nous traversons, il est extrêmement difficile d’être cohérent à 100% et j’estime que c’est à chacun d’assumer qui il est vraiment en tentant d’aller au plus près de sa propre définition de la cohérence.
Les histoires d’incohérence sont sans fin. A l’heure où consommer autrement est le cheval de bataille de nombre d’entre nous, j’avais juste envie de parler de cette histoire qui m’a occupé pas mal de temps, et qui me fait dire que l’orthorexie est vraiment une pathologie grave (signifie « manger droit » car consiste à ne manger que de la « nourriture saine », dont la principale conséquence est le renfermement pur et simple sur soi-même).
E.P