BETTINA KOESTER "Queen of noise"

Rock Berlinois

mercredi 20 janvier 2010 par prog

Si le nom de Bettina Köster vous rappelle un lointain souvenir, c’est normal. Elle fut, avec Gudrun Gut, à la base du groupe post-punk/cold wave Malaria !, qui produisit entre 1981 et 1984 de nombreux hits undergound dont les fameux « You Turn to Run », « Kaltes Klares Wasser », « Thrash me » ou encore « You You ». Des concerts avec des groupes majeurs comme Siouxsie & the Banshees ou New Order, des physiques avantageux et mêchés rapprochant ces jeunes dames de leurs comparses germaniques d’X-Mal Deutschland et des amitiés avec la scène berlinoise de l’époque en firent une formation culte. Après l’aventure Autonervous avec Jessie Evans, Köster se lance donc enfin dans une carrière solo avec ce « Queen of Noise ».

La première chose qui surprend à l’écoute, c’est la voix. Plus grave et gutturale que jamais, Bettina semble délaisser les incantations martiales et torturées de Malaria !, bien que revenant de temps à autre, quand le chant s’énerve sur « Crime Don’t Pay (Stupid) » ou quand la voix se fait sensuelle et glacée comme sur le très beau « Holy Water ». Une voix comme seules les chanteuses allemandes savent nous en offrir, de Marlene Dietrich à Nico. On pense aussi à une Marianne Faithful de fin de soirée, après plusieurs paquets de clopes, ou encore à la Lydia Lunch des récents spoken words qui explore l’aspect le plus guttural de sa voix, allant parfois jusqu’au chuchotement, comme Bettina le fait sur « Grab Me ». « Queen Of Noise » serait-il donc une référence à « Queen of Siam », le premier album solo de Lydia Lunch ? Possible, quand on connaît les liens qu’entretenaient les Malaria ! avec la scène no wave de New York. Cet album ne manque d’ailleurs pas de références, vu qu’il commence par une excellente reprise du « Helter Skelter » des Beatles, faite dans un esprit très Devo. En effet, le disque débute sur les chapeaux de roues avec trois brûlots pour les dance-floors, entre post-punk minimaliste et électro-rock robotique. Le second titre « Crime Don’t Pay (Stupid) » est un tube imparable où même les plus insensibles se surprendront à remuer du fessier. « Fianc’a Fianco », avec son rythme disco-funk, son chant plaintif, sa basse groovy, ses guitares grinçantes et son ambiance hystérico-lancinante renvoie, quant à lui, à la grande époque du PIL des débuts. Avec « Ocean Drive », le rythme se ralentit, bien que toujours entraînant. Bettina reprend son saxo, avec ce son onirique appuyé par des delays, si caractéristique des groupes précédents de la chanteuse. La production se révèle impressionnante, riche en bruitages, arrangements electronica, et le disque est parcouru par une jubilation permanente. Bettina se fait plaisir, prend du plaisir et cela se ressent, d’où une certaine fraîcheur dans le son. L’enregistrement s’est d’ailleurs fait dans le sud de l’Italie en 2007 avec des musiciens internationaux. La seconde reprise du disque est le « Femme Fatale » du Velvet Underground revisitée en électro déglinguée, bien que moins réussie que celle des Beatles. Le titre « Holy Water » représente la phase la plus expérimentale et glacée de l’album et on se prend à espérer que Bettina explore davantage cette facette à l’avenir tant elle arrive à créer une ambiance à la fois éthérée et dérangeante. Sans nul doute, la plus grande réussite du disque. « Grab Me » ou « Regina » continuent à s’appuyer sur des percussions groovy mais surnagées de sonorités incongrues, qui leur évitent d’être des morceaux trop lisses. La basse se fait même slapée sur « Confession » alors que Bettina nous livre des textes pour le moins énigmatiques : « I’ve been playing in the trash and I kissed a lot of frogs ». Il y a une vraie rythmique des mots. Bettina ayant vécu longtemps aux Etats-Unis, elle joue de l’anglais avec habileté et une certaine poésie se dégage de l’ensemble. Au-delà des compositions tranchantes et efficaces qui constituent la grande partie du disque, sur les morceaux « Pity Me » et « Thar She Blows », le piano devient la base de courtes chansons intimistes aux relents jazzy délicieusement faux et grinçants. Ces deux derniers titres sont entrecoupés par un « Via Pasolini », soubresaut after-punk explosif appuyé sur une basse répétitive. Le spectre de Malaria ! se profile encore, comme un témoignage plus de vingt-cinq ans après sur une créativité qui bousculait l’Allemagne et le Berlin du début des années 80. On espère que Bettina creusera la brèche ouverte par certains titres de cet album sur ses prochaines productions.


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