vendredi 5 novembre 2010 par Les ateliers pédagogiques : François
Imaginez un instant que Toumani Diabaté, Kasse Mady, Lassana Diabaté, Bassekou Kouyate décident de faire un album avec les sonorités cubaines d’Éliades Oaches. Le résultat est unique et ça donne Afrocubism, un nouvel album produit par World Circuit et distribué au Canada par Warner Music.
La genèse de ce disque remonte à 14 ans. Passionné par les liens entre les musiques maliennes et cubaines, le producteur Nick Gold entendait réunir à Cuba la crème des musiciens des deux pays. Les visas des Maliens n’arrivèrent jamais et Gold, avec l’aide de Ry Cooder, improvisa un plan de repli pour le moins heureux : l’aventure du Buena Vista Social Club, et ses 8 millions de disques vendus.
C’est notamment à l’instigation de deux des protagonistes initialement prévus, les Maliens Bassékou Kouyaté (n’goni) et Djelimady Tounkara (guitare), et d’un troisième qui fit partie de l’aventure, le Cubain Eliades Ochoa (chant/guitare, la voix de Chan Chan), que Nick Gold s’est décidé à finalement donner vie au projet. Complètent le casting : Toumani Diabaté (kora), le plus proéminent des musiciens maliens aujourd’hui, Kassé Mady Diabaté, chanteur de l’Orchestre National Badema dans les années 70, le balafoniste guinéen Lassana Diabaté, ainsi que les membres du groupe d’Eliades Ochoa, le Grupo Patria. Les musiciens ont enregistré à Madrid dans les conditions du live, tous ensemble dans la même pièce. Un parti pris qui donne à cette rencontre sa pleine mesure et contribue à sa réussite totale.
Le répertoire mêle morceaux originaux (dont quelques instrumentaux nés sur le moment), classiques cubains ("Guantanamera", "La Culebra" de Benny Moré, "Para Los Pinares se va Montoro" de Compay Segundo) ou maliens, avec notamment une version étourdissante de "Jarabi". Mais c’est la beauté des entrelacs des instruments à cordes qui emporte l’auditeur : porté par de légères percussions, guitare, n’goni et kora tissent des toiles d’une formidable subtilité, entre lesquelles sinue le balafon, ici dans le rôle du piano cubain. Rappel d’une époque où l’Afrique post-indépendance se trémoussait au son des musiques cubaines, Afrocubism dessine également de nouvelles passerelles entre les deux pays au gré de l’imagination féconde des musiciens. La palme revient à Tounkara qui, non content de signer l’un des plus beaux titres du disque avec "Nima Diyala", libère de sa guitare des gerbes de notes sensuelles et profondes, d’autant plus lumineuses qu’elles se posent sur l’éclat mat des instruments acoustiques. Puisse ce disque apporter à cet immense musicien la reconnaissance mondiale qu’il mérite.
« C’est un retour au source (…) Les liens qui unissent l’Afrique de l’Ouest et Cuva n’ont rien de nouveau«
Toumani Diabaté en entrevue avec le Magazine World Sound, édition de Mai-Juin 2010
Pour se mettre dans le bain, Touki Montréal vous propose une entrevue réalisée avec Bassekou Kouyaté. C’était lors du Festival de Jazz de Montréal cette année, avant des prestations remarqués et salués par le public et la majorité des médias.
Le malien parle de sa passion pour son instrument préféré, le Ngoni, ainsi que de la sous exploitation des instruments traditionnels africains.
Je ne connais pas votre radio mais en surfant et cherchant tous les articles concernant le concert d’Afrocubism d’hier soir au Bataclan, j’ai lu votre article. Merci pour cet hommage rendu aux musiciens maliens et cubains, et particulièrement pour Djélimady Tounkara. Nous sommes amis et nous connaissons sa vie à Bamako. Votre dernière phrase le concernant est exactement celle que je lui ai dite au téléphone ce matin avant son départ à Bamako. Il le mérite amplement. Que ce disque ait le plus grand des succès.